Le handicap dans l’histoire de l’art

Introduction 

Le validisme considère les corps valides comme la norme dans la société, indiquant que les personnes porteuses de handicap doivent lutter pour devenir normales. Le handicap est donc défini comme une erreur ou une faute, plutôt que comme une diversité humaine ; il est considéré comme une « mauvaise » chose qui doit être surmontée ou éradiquée.

Dans ce dossier pédagogique, vous examinerez des exemples de corps humain invalides tel qu’ils ont été représentés dans l’histoire de l’art. À travers ce dossier, vous explorerez la thématique du corps dans la culture visuelle pour découvrir comment la différence corporelle est et a été articulée physiquement et théoriquement et démontre comment le handicap peut être défini comme une construction culturelle. Comme il s’agit d’un vaste projet, cette fiche n’utilise que quelques exemples artistiques par thème.

En résumé, dans ce dossier, vous allez :

  • Apprendre ce que cela signifie d’être humain ;
  • Comprendre comment le corps est représenté dans la culture visuelle ;
  • Découvrir comment les formations du handicap sont exprimées concernant les idées de normalité, d’hybridité et/ou d’anomalie.
  • Et bien plus encore !

Le thème

Historique du mouvement

Chronologiquement, les « études sur le handicap » ont vu le jour au milieu et à la fin des années 1980, et l’ « art corporel » a commencé à être considéré comme une catégorie d’art contemporain dans les années 1970. Cependant, les corps handicapés sont présents dans l’art depuis au moins le Ier siècle de notre ère. Les études sur le handicap visent à présenter une méthodologie et un point de départ alternatifs pour l’étude du corps dans l’histoire de l’art. Grâce aux études sur le handicap, nous pouvons comprendre et retracer l’histoire du validisme (discrimination en faveur des personnes valides) à travers l’art.

Il existe une série de cas auxquels on peut penser et de questions provocantes que l’on peut se poser lorsque l’on essaie de comprendre la notion de handicap, par exemple :

  • Peut-on dresser une liste d’œuvres comprenant des représentations du handicap ?
  • Comment les personnes porteuses de handicap sont-elles représentées dans l’art ?
  • Les personnes handicapées sont-elles des actrices et créatrices de la culture et des médias ?

Les personnes porteuses de handicap n’ont généralement pas décidé de la manière dont elles sont présentées dans l’art et la littérature, et elles n’ont pas non plus participé à la création des objets d’art dans lesquels elles sont représentées. Les artistes et les auteurs se sont servis de divers handicaps pour communiquer des idées sur le mal, de la souffrance, de la grâce et la nature humaine qui conduit à soutenir des stéréotypes sur le handicap.

Le handicap est une construction socioculturelle idiosyncrasique, corporelle à multiples facettes. La représentation des corps handicapés dans l’histoire de l’art démontre comment l’art peut soutenir ou subvertir la construction des valeurs normatives.

Représentations historiques du handicap dans l’histoire de l’art

Aristote (384-322 avant J.-C.) recommandait l’euthanasie pour les « enfants difformes », écrivant : « Qu’il y ait une loi selon laquelle aucun enfant difforme ne vivra. » Bien que l’art hellénistique comporte des représentations « grotesques » de personnes âgées et d’enfants, nous ne trouvons pas beaucoup de représentations de personnes handicapées dans le monde antique.

Le christianisme a conduit à davantage de représentations des personnes porteuses de handicaps. Dans le Nouveau Testament, Jésus fait preuve de bonté et accomplit des miracles pour guérir les aveugles et autres personnes handicapées. Ces miracles étaient souvent représentés dans l’art, par exemple dans Le Miracle du Christ guérissant l’aveugle (vers 1570) de le Greco. De cette manière encore, le handicap était considéré comme une situation à guérir, afin de permettre le retour à la normalité.

Le Miracle du Christ guérissant l’aveugle- Le Greco

Lors de la Réforme protestante de 1517, les personnes présentant des déficiences de développement étaient considérées comme des organismes sous-humains. Martin Luther (1483-1546) considérait les enfants et les adultes atteints de troubles cognitifs comme étant « habités par Satan ».

À cette époque, de nombreuses personnes handicapées survivaient en tant que mendiants, comme le montre le tableau Les Mendiants, de Pieter Bruegel (1568).

Les Mendiants – Pieter Bruegel

Le christianisme a donc souvent considéré le handicap comme la punition pour un péché de la part des personnes consernées ou de leurs familles. Parfois, le handicap était également considéré comme un acte de Dieu dans un but divin quelconque. Dans le premier cas, les personnes étaient punies et exclues de la société. Dans le second cas, elles étaient perçues comme divines et considérées comme saintes. Perçues comme des pécheurs ou des saints, les personnes handicapées étaient généralement maintenues à l’écart de la société ordinaire et leur handicap était considéré comme servant un but divin.

Prenons comme exemples Pierre et Jean guérissant l’infirme à la porte du Temple de Rembrandt et Les mendiants qui se débrouillent seuls à Bordeaux de Goya. Ces deux œuvres mettent en scène un homme handicapé. Dans le cas de Rembrandt, il y a également deux autres personnages : Pierre et Jean, qui se tiennent au-dessus de l’« infirme » (comme on appelait les personnes handicapées à l’époque) avec bienveillance et autorité.  Le dessin de Goya met davantage l’accent sur l’individu handicapé, un mendiant en fauteuil roulant. Le sujet semble sale et débraillé, mais aussi activement engagé dans le monde. Le mendiant de Goya regarde le spectateur hors de la pièce et est dépeint comme une personne active, tandis que l’infirme de Rembrandt est assis passivement, dos au spectateur ; il attend d’être guéri pour pouvoir ensuite prendre part au monde qui l’entoure.

Pierre et Jean guérissant l’infirme à la porte du Temple – Rembrandt

Au XIXe siècle, le modèle médical du handicap apparait, celui-ci considère le handicap comme une déficience. Avec l’essor de la médecine scientifique moderne, les médecins du XIXe siècle perçoivent le handicap comme une « maladie » ou une « blessure » devant être guérie par la science. Les personnes handicapées deviennent des patients qui doivent être soignés. En définissant les personnes par leur handicap plutôt que comme des êtres humains à part entière, le modèle médical favorise les classifications, la dépendance aux soins professionnels et implique souvent des traitements douloureux.

Le modèle médical conduit parfois au darwinisme social qui se construit sur l’idée que certaines personnes deviennent puissantes dans la société parce qu’elles sont naturellement meilleures. Cette idée contribue à rationaliser les stérilisations forcées, les restrictions au mariage et l’incarcération en institution des personnes souffrant de troubles du développement. Ces « créatures » ou « malades » sont souvent les sujets d’artistes et de scientifiques qui s’intéressent à la catégorisation des personnes par type et par apparence.

Parmi les peintres romantiques français, les plus grandes réalisations de Théodore Géricault sont ses Portraits d’aliénés. Il y en avait dix à l’origine, mais seuls cinq ont survécu : La Monomane du jeu, Le Monomane du vol d’enfants, La Monomane de l’envie, Le Monomane du vol et Le Monomane du commandement militaire. Voici quelques-uns d’entre eux.

La Monomane de l’envie – Théodore Géricault
La Monomane du jeu – Théodore Géricault
Le Monomane du vol – Théodore Géricault

La terreur suscitée par les personnes présentant des déformations physiques est devenue populaire dans les médias, avec des personnages tels que Quasimodo, Dr. Folamour, Frankenstein et le loup-garou. Souvent, les personnes handicapées se voyaient attribuer des rôles de méchants.

Les stéréotypes ont été renforcés par des théories pseudo-scientifiques telles que l’eugénisme. Pendant la « peur génétique » des années 1920, on pensait que les personnes souffrant de déficiences développementales pouvaient nuire aux autres. Les recherches eugéniques ont eu un impact direct sur les positions et les mentalités à l’égard des personnes porteuses de handicap dans l’Allemagne nazie. L’Allemagne nazie accusait les personnes handicapées de gaspiller des ressources précieuses. Au début de la Seconde Guerre mondiale, Hitler a ordonné le « meurtre par pitié » généralisé des malades et des handicapés. Le programme d’euthanasie nazi a été institué pour éliminer « la vie indigne de la vie » ; plus de 200 000 personnes handicapées ont été tuées pendant l’Holocauste.

La « Foire aux monstres », le pouvoir et les privilèges

Au cours du XVe siècle, des personnes atteintes de handicaps physiques et mentaux étaient embarquées sur des navires et exposées pour de l’argent. Le tableau La Nef des fous (1490-1500) de Jérôme Bosch dépeint la vie de personnes souffrant de handicaps cognitifs à bord d’un tel navire.

La Nef des fous – Jérôme Bosch

À la Renaissance, Velázquez a peint de nombreux portraits de nains, dont le Portrait de Sebastián de Morra (1645), qui peut être comparé au portrait de Tognina Gonsalvus par l’artiste italienne Lavinia Fontana en (1595). Dont le père, Pedro, « L’Homme poilu de Munich », fut le premier cas documenté du « syndrome du loup-garou » ou hypertrichose.

Sebastián de Morra – Diego Velázquez

En 1841, l’American Museum de P.T. Barnum ouvre ses portes. Au cours des années 1840, le terme « freak » (« bête curieuse ») est devenu synonyme de « monstruosité, individu anormalement développé d’une espèce quelconque ; curiosité vivante exposée dans un spectacle ». Cette expression doit son intégration à l’anglais vernaculaire à Barnum et à son American Museum (1841-65), qui misait sur des expositions sensationnelles pour attirer les foules.

Les photographes ont commencé à s’intéresser à ce genre d’expositions dans les années 1880. Charles Eisenmann a réalisé des cartes de visite pour les « monstres du Barnum’s American Museum ». Son studio se situait dans le quartier de Bowery à New York, près du Barnum’s American Museum. Les artistes de Barnum utilisaient les cartes de visite comme outils de marketing et de promotion. Eisenmann les vendait également comme objets de collection à des personnes qui les assemblaient souvent en albums. Voici quelques exemples du travail de son studio :

Myrtle Corbin, présentée comme « la fille à quatre jambes du Texas », une attraction populaire pour Barnum. En tant que l’un des monstres de foire les plus populaires, elle gagnait jusqu’à 450 dollars par semaine. A l’âge de dix-neuf ans, elle se maria avec un médecin, avec qui elle aura cinq enfants.

Eli Bowen était un acrobate et un homme fort qui fit une tournée en Europe avec Barnum. Connu sous le nom de « La Merveille sans jambe », il était applaudi dans le monde entier pour son extraordinaire numéro au cours duquel il grimpait sur un poteau de presque quatre mètres, puis se balançait autour du poteau en tenant son corps parallèle au poteau d’une main. Il se maria et a eu quatre fils. Il était très fier de sa famille et la majorité des photos d’Eli montrent également sa famille.

Plus tard, une autre photographe, Diane Arbus s’intéresse aux sujets. Son travail primé a été exposé dans de grandes expositions et lui a valu deux bourses Guggenheim. La photographie d’Arbus diffère de celle d’Eisenmann.

« Arbus n’est pas une artiste qui nous fait voir le monde d’un œil nouveau ; elle nous embarque dans nos propres limites, notre manque d’empathie, nos réactions instinctives, notre incuriosité et notre absence de préoccupation. Son monde est un monde sans horizon où il n’y a pas d’échappatoire au soi. » (« Wrestling with Diane Arbus », The Guardian, 2005).

Corps, performance Et posthumanité

Dans la pensée humaniste, l’esprit et le corps sont divisés, le corps servant de support à l’esprit. Les technologies de l’information, les découvertes scientifiques et la bio-ingénierie mettent à l’épreuve le rôle du corps mécanique, qui est incapable de remplacer entièrement le corps humain et ne peut remplir les fonctions du corps biologique. En outre, la guerre, la chirurgie plastique et les prothèses ont modifié la perception du corps ainsi que les représentations des personnes handicapées. Prenons par exemple la critique de la Première Guerre mondiale par le peintre allemand Otto Dix dans Les Joueurs de skat et Invalides de guerre.

Grâce aux progrès de la médecine, des blessures qui auraient autrefois tué des soldats restent aujourd’hui sur leur corps, sous forme de cicatrices. L’évolution des connaissances médicales permet de sauver beaucoup plus de vies, même s’il est impossible d’éviter les blessures de guerre et les corps meurtris.

C’est alors qu’apparaît le mouvement du transhumanisme qui cherche à transformer la condition humaine grâce à des technologies qui améliorent les capacités intellectuelles, physiques et psychologiques de l’homme. Orlan (Self-Hybridations) et Stelarc (Troisième main) sont deux artistes contemporains qui explorent et repoussent les limites de l’« humanité » en entreprenant des opérations chirurgicales pour transformer leurs corps en hybrides et en cyborgs.

Pour défier l’invisibilité, Marc Quinn a sculpté l’artiste et militante, Alison Lapper Pregnant, dans du marbre de Carrare pour la quatrième plinthe de Trafalgar Square à Londres. L’œuvre présentant Lapper, qui est née sans bras et avec des jambes raccourcies, a suscité de nombreux débats de la part de ceux qui la considèrent consécutivement comme offensante ou progressiste. L’œuvre, comme les autres sculptures de Quinn représentant des modèles amputés pour la série The Complete Marbles (2002), reprend les formes idéalistes du néoclassicisme pour critiquer les représentations publiques des handicaps.

Approche pédagogique

Pourquoi ce thème est-il pertinent pour des étudiants adultes ?

L’exclusion fondée sur les préjugés ou la discrimination structurelle est injuste dans tous les domaines d’oppression. Historiquement, les personnes porteuses de handicap ont été discriminées, séparées, enfermées, contrôlées et éliminées. Pendant de nombreuses années, elles n’ont pas eu accès à l’éducation.

Grâce aux études sur le handicap, nous pouvons comprendre et retracer l’histoire du validisme dans. Cela nous permet de viser à créer une société basée sur la connaissance, la compréhension de l’autre, et donc l’inclusion.

Quels objectifs éducatifs sont visés en combinant ce thème artistique et une activité pédagogique ?

Grâce à cette activité, les étudiants pourront découvrir le sujet à travers les outils et les yeux du peintre. En effet, les activités sont organisées de manière à ce que les étudiants puissent découvrir le pouvoir de l’art militant, de la musique et des mots, en réfléchissant à la manière dont ils peuvent influencer les opinions artistiques. Ils pourront également se pencher davantage sur des peintures spécifiques et regarder des explications vidéo de certaines des œuvres les plus influentes.

Mode d’emploi : stratégies, outils et techniques.

Les étudiants participeront de manière active et passive à leur apprentissage. En effet, en utilisant leurs compétences en peinture, leur esprit critique et leur capacité d’écoute, ils pourront développer leurs connaissances sur le handicap dans l’art, et en discuter avec la classe, puis découvrir d’autres experts dans les domaines de l’histoire de l’art.

Œuvres d’art

Œuvre d’art #1 Le Miracle du Christ guérissant l’aveugle, Le Greco, 1567

Le Miracle du Christ guérissant l’aveugle, Le Greco, 1567, huile sur panneau, 65,6 cm x 84 cm, Staatliche Kunstsammlungen Dresden (©Domaine public ; source : Wikimedia Commons)

  • Rapport au thème :  Le Miracle du Christ guérissant l’aveugle est une peinture de la guérison de l’aveugle-né réalisée par Le Greco en 1567.
  • Courte description : La scène centrale du tableau représente le moment où Jésus, au premier plan, ouvre les yeux d’un aveugle. L’épisode est décrit dans l’Évangile selon Saint Jean (9, 1-41). Le sujet du tableau est parfaitement adapté à la commande d’un cardinal : la parabole d’une profonde crise religieuse et d’une véritable déchirure dans l’Europe chrétienne, désormais divisée entre catholiques et protestants, une allégorie claire du rôle de l’Église de Rome qui, comme le Christ, est la seule à pouvoir ouvrir les yeux à la vraie foi.

  • Emplacement et dimension européenne : Il se trouve maintenant au Palazzo della Pilotta à Parme, en Italie.

  • Possible exploitation pédagogique : Le christianisme a conduit à davantage de manières de représenter les personnes porteuses de handicap. Mais le handicap y était toujours considéré comme une maladie à guérir, afin de permettre le retour à la normalité. Il pourrait être intéressant pour les élèves d’explorer le lien entre le handicap et les différentes religions.

Œuvre d’art #2 Les Mendiants – Pieter Bruegel (1568)

Les Mendiants, Pieter Bruegel The Elder, 1568, huile sur panneau, 18,5 cm x 21,5 cm, Musée du Louvre (© Domaine public ; source : Wikimedia Commons)

  • Rapport au thème : Les Mendiants est une peinture à l’huile sur panneau de Pieter Bruegel l’Ancien. Le tableau de Bruegel représentant Les Mendiants est une image fascinante et un aperçu de l’histoire et de la société de l’époque. Bien que les mendiants soient dépeints de manière pathétique et antipathique, la composition est habile et captivante. Un remarquable commentaire social, dont une partie reste indéchiffrée. En fait, jusqu’à aujourd’hui, les experts ne sont pas tout à fait sûrs du message qui se cache derrière cette peinture.

  • Courte description : Le tableau présente une mendiante et cinq hommes au premier plan, dont un qui a le dos tourné, ils s’offrent à la vision du spectateur dans toute leur difformité, ce qui exprime une certaine fascination pour la scène et la condition d’infirme. Sans jambes et criblés de déformations physiques, ils se déplacent avec animation à l’aide de béquilles et de protège-tibias de toutes sortes.

  • Emplacement et dimension européenne : Il se trouve maintenant au musée du Louvre, à Paris.

  • Possible exploitation pédagogique : Lors de la Réforme protestante de 1517, les personnes souffrant de troubles du développement étaient considérées comme des sous-humains. Prenons le temps de réfléchir aux différentes formes d’exclusion dans la société. Ici, les personnes handicapées survivent en mendiant. Comment la société décide-t-elle d’exclure certains groupes plutôt que d’autres ? Comment cela a-t-il évolué dans le temps ?

Œuvre d’art #3 Pierre et Jean guérissant l’infirme à la porte du Temple – Rembrandt, 1659

Pierre et Jean guérissant l’infirme à la porte du Temple, Rembrandt van Rijn, 1959, eau forte, point sèche et burin, National Gallery of Art (© CC0 1.0 Dédicace au domaine public universel, source : Wikimedia Commons)

  • Rapport au theme : L’œuvre représente un homme handicapé. Elle fait partie du genre de l’art chrétien. Elle date de l’époque baroque et de l’âge d’or néerlandais.

  • Courte description : Il s’agit d’une gravure à l’eau-forte et à la pointe sèche sur papier recouvert d’ivoire. Il y a deux personnages : Pierre et Jean, qui se tiennent au-dessus de l’« infirme » (comme on appelait les personnes handicapées à l’époque) avec bienveillance et autorité. L’infirme de Rembrandt est assis passivement, dos au spectateur ; il attend d’être guéri pour pouvoir ensuite participer au monde qui l’entoure.

  • Emplacement et dimension européenne : Le tableau se trouve à la National Gallery of Art, à Washington DC.

  • Possible exploitation pédagogique : Cela pourrait être intéressant pour l’étudiant de se pencher sur la manière dont la forme d’exclusion est historiquement représentée dans l’espace, à travers la représentation physique et spatiale.

Œuvre d’art #4 La Monomane de l’Envie -Théodore Géricault, 1822

La Monomane de l’envie, Théodore Géricault, c. 1819-1822, 72 cm x 58 cm, Museum des Beaux Arts de Lyon (© Domaine public ; source : Wikimedia Commons)

  • Rapport au thème : La Monomane de l’Envie est une l’huile sur toile de Théodore Géricault datant de 1822. Elle fait partie d’une série d’œuvres que Géricault consacre à l’état de santé et qui représente des personnes souffrant de différents troubles mentaux.

  • Courte description : Le portrait est d’un réalisme sans compromis, avec une précision absolue dans la description des détails du visage. Il s’agit presque d’une étude clinique de cette femme souffrant d’un problème de santé. Toute l’attention est portée sur les éléments physiques, sur ce visage qui dénote le trouble psychologique de la femme : Géricault insiste sur la tension qui le traverse et en fait un masque, une imitation exacerbée, sur la crispation de la bouche, la fixité du regard exorbité, mais aussi la coiffe de la vieille femme. Les aliénés de Géricault sont des hommes et des femmes souffrant d’altérations psychiques diverses, toutes rattachables à la catégorie des monomanies, c’est-à-dire des obsessions qui ne concernent qu’un seul aspect du comportement : le vol, la pédophilie, l’addiction au jeu, l’envie. Il ne s’agit pas de défauts à punir dans des asiles, mais de maladies qui présentent une symptomatologie particulière que le peintre s’attache à porter sur la toile.

  • Emplacement et dimension européenne : Elle est conservée au Musée des Beaux-Arts de Lyon, en France.

  • Possible exploitation pédagogique : Pendant une longue période de l’histoire, on a pensé que les caractéristiques comportementales correspondaient aux caractéristiques physiques de la personne. Il pourrait être intéressant d’en savoir plus sur le lien entre l’apparence et les normes sociales.

Œuvre d’art #5 La Nef des fous – Jérôme Bosch, c. 1490–1500

La Nef des fous Hieronymus Bosch, c. 1494-1510, huile sur bois de chêne, 58 cm x 33 cm, Musée du Louvre (© Domaine public ; source : Wikimedia Commons)

  • Rapport au theme : À l’époque de Jérôme Bosch, les conflits sociaux sont à leur comble et la religion est en crise profonde. La Nef des Fous, en allant plus loin que l’aspect burlesque qu’elle dégage à première vue, est une critique de la folie des hommes qui vivent sans morale et perdent leurs repères religieux. De plus, au cours du XVe siècle, des personnes atteintes de handicaps physiques et mentaux sont embarquées sur des bateaux et exposées pour de l’argent. Le tableau de Jérôme Bosch, La Nef des Fous (1490-1500), dépeint la vie de personnes atteintes de troubles cognitifs à bord d’un tel navire.

  • Courte description : Cette image intitulée « La Nef des fous » faisait à l’origine partie d’un triptyque ou de 3 panneaux, peints à l’huile et datant d’environ 1490 à 1500. L’illustration montre dix personnes à la dérive dans un bateau, deux autres sont par-dessus bord. Au centre du groupe se trouvent une religieuse jouant du luth et un frère. À gauche de l’image, une femme semble sur le point de frapper un homme qui traîne une gourde dans l’eau. À droite de l’image, un autre homme semble vomir sur le côté. Au-dessus de lui, un homme clairement habillé en fou, boit dans une tasse. L’un des bateliers utilise une énorme louche au lieu d’une rame, l’autre a une gourde au bout de sa rame.

  • Emplacement et dimension européenne : Le tableau se trouve actuellement au Musée du Louvre, à Paris.

  • Possible exploitation pédagogique : Le rapport que Bosch établit entre « vice » et « folie » est caractéristique de la littérature du XVe siècle. Avec ce tableau, il met en garde de manière ludique contre la perte des valeurs ecclésiastiques, la négligence ou la folie des hommes envers la religion. Cette relation entre vice et folie s’exprime-t-elle dans notre société actuelle ? Si oui, comment ?

Œuvre d’art #6 Portrait de Sebastián de Morra – Diego Velázquez, c. 1644

Sebastián de Morra, Diego Velázquez, c. 1645, huile sur toile, 106,5 cm x 82,5 cm, Museu del Prado (© Domaine public ; source : Wikimedia Commons)
  • Rapport au thème : Sebastian de Morra est une peinture à l’huile sur toile (106×81 cm) réalisée vers 1644 par le peintre Diego Velázquez. Sebastian de Morra était un bouffon de cours nain, vivant avec son handicap depuis sa naissance. Velázquez l’a représenté assis, dans une position qui rappelle celle des marionnettes, avec une expression sévère et triste qui contraste avec sa profession, comme pour donner une voix au tourment de l’homme.

  • Courte description : Le portrait, aujourd’hui conservé au Prado à Madrid, montre de Morra assis sur le sol, ses petites jambes en avant, les bras posés contre les cuisses, masquant les doigts. De Morra porte une moustache foncée et une barbe, ainsi qu’une cape rouge. Le plus significatif, ce sont ses yeux, qui regardent le spectateur. Avec ses yeux sombres et son front haut, son regard est calme et sans peur. Au lieu d’apparaître comme un objet de rire et de pitié, Morra ressemble à un homme qui n’a pas encore été battu et qui résiste encore à son mauvais traitement.

  • Emplacement et dimension européenne : Elle est conservée au musée du Prado, à Madrid.

  • Possible exploitation pédagogique : Même si Sebastian de Morra n’était là que pour divertir, il devait être hautement considéré car Velázquez ne peignait en moyenne que deux tableaux par an et celui-ci était l’un d’entre eux. Il peut être intéressant d’explorer le rôle de l’artiste, dans ce cas précis Velázquez, mais aussi tous les artistes plus généralement. Quelle est la position de l’artiste ? Est-il/elle simplement celui/celle qui représente la réalité sans porter de jugement ? Est-il/elle un objectif passif ? Ou prend-il/elle une part active dans le choix de la représentation ? Où est la voix de l’artiste ?

Œuvre d’art #7 La fille aveugle, John Everett Millais, 1856

La Fille aveugle, John Everett Millais, 1856, huile sur toile, 82,6 cm x 62,2 cm, Birmingham Museum and Art Gallery (©Domaine public ; source : Wikipedia)

  • Rapport au thème : La fille aveugle est une peinture à l’huile sur toile du peintre préraphaélite John Everett Millais, réalisée en 1856.

  • Courte description : L’œuvre, créée par Millais à Perth, représente deux jeunes femmes, probablement des sœurs, assises sous un ciel encombré de nuages. Parmi elles, la jeune fille de droite est résolue à admirer le paysage qui s’offre à elle ; sa sœur, en revanche, ne peut participer à la contemplation de la vue, car elle est aveugle. Malgré sa cécité, ses quatre autres sens sont bien actifs ; en effet, sa tête est légèrement levée, comme si elle sentait l’odeur des fleurs portées par le vent, et avec ses doigts, elle palpe l’herbe fraîche. La subsistance des deux jeunes filles est assurée par l’accordéon posé sur les genoux de la jeune aveugle, qui s’avère donc être une musicienne ; au cou de cette dernière est en outre placé un paquet portant l’inscription « AYEZ PITIÉ DES AVEUGLES ».

  • Emplacement et dimension européenne : Cette œuvre est exposée à la Birmingham Art Gallery de Birmingham, au Royaume-Uni.

  • Possible exploitation pédagogique : Il est intéressant de comparer cette œuvre d’art avec d’autres représentations du handicap. Nous pouvons réfléchir à ce que cette peinture peut nous apprendre sur la déficience visuelle à l’époque victorienne et également dans la société d’aujourd’hui.

Œuvre d’art #8 Homme Aveugle, Gustav Klimt 1896

Homme Aveugle, Gustav Klimt, 1896, huile sur toile, 66 cm x 53,2 cm, Musée Leopold (© Domaine public ; source : Wikipedia)

  • Rapport au theme : Il s’agit du portrait d’un aveugle. Mais Klimt ne s’attarde pas sur ce point, ce qui ressort, c’est la dignité de la personne âgée.

  • Courte description : L’œuvre d’art représente un homme aux des cheveux blancs, très épais et bouclés. Il a les joues creuses. La lumière semble faire ressortir ses traits. Son regard est dirigé vers la droite du spectateur, mais il semble perdu dans le vide.

  • Emplacement et dimension européenne : L’œuvre se trouve actuellement au Leopold Museum, à Vienne.

  • Possible exploitation pédagogique : L’artiste ne se concentre pas toujours sur la forme du handicap. Prenons le temps de remarquer, par exemple dans ce tableau, ce que l’artiste veut exprimer.

Œuvre d’art #9 Les Joueurs de skat, Otto Dix, 1920

Vous pouvez trouver l’œuvre d’art ici.

  • Rapport au thème : Les Joueurs de skat est une peinture à l’huile et un collage sur toile d’Otto Dix. Elle représente des invalides de la Première Guerre mondiale jouant aux cartes.

  • Courte description : Le tableau représente trois hommes jouant au « Skat », l’un des jeux de cartes les plus populaires en Allemagne. Les trois hommes ont cependant un aspect grotesque et bizarre. Celui à gauche a une jambe et un bras en bois et une jambe valide avec laquelle il tient ses cartes. L’homme du milieu a deux fausses jambes, pas de bras, une coupe métallique qui maintient sa tête, un œil de verre, une mâchoire, un nez et une gorge prothétiques, et pas d’oreille gauche. Il a un porte-cartes devant lui et joue avec sa bouche. L’homme de droite, qui porte une croix de fer, n’a pas de jambes, un faux bras, un vrai bras, une mâchoire prothétique et pas de nez.

  • Emplacement et dimension européenne : L’œuvre se trouve actuellement à la Neue Nationalgalerie de Berlin.

  • Possible exploitation pédagogique : Ici, le handicap est lié à la guerre mondiale. Comment les événements historiques ont-ils un impact sur l’art et la représentation de certains sujets ?

Œuvre d’art #10 L’Annonciation, Alberto Savinio, 1932

Vous pouvez trouver l’œuvre d’art ici.

  • Rapport au thème : L’artiste est Alberto Savinio. L’analyse de ses peintures révèle que Savinio était atteint du syndrome d’Asperger.

  • Courte description : L’œuvre d’art comporte différents éléments. L’œuvre représente un intérieur, dans lequel une Vierge accueillante, soumise et endormie reçoit la visite de Gabriel, représenté uniquement par la compassion émanant de son énorme visage.

  • Emplacement et dimension européenne : L’œuvre fait désormais partie de la collection de la Casa Museo Boschi Di Stefano, à Milan.

  • Possible exploitation pédagogique : L’artiste n’est pas devenu célèbre, et aujourd’hui encore, nombre de ses œuvres sont critiquées. Comment la relation de l’artiste avec le sujet du handicap affecte-t-elle son travail ? Savinio a également abordé l’art comme une forme de thérapie. Examinons les aspects positifs que l’art peut avoir pour différentes formes de handicap.

Activités pratiques

Activité 1 – L’évolution du handicap dans l’art

Objectifs

L’objectif est de comprendre comment le corps est représenté dans la culture visuelle et de découvrir comment les formations du handicap sont exprimées par rapport aux idées de normalité, d’hybridation et/ou d’anormalité.

Matériel

  • Téléphone / ordinateur
  • Connexion internet

Phase préparatoire pour les professionnels de l’éducation/médiateurs

Donner aux étudiants des informations sur le thème du handicap dans l’art et leur montrer quelques exemples au fil des jours et des saisons. Cela les aidera également à comprendre l’évolution historique et comment les événements historiques, les conceptions et les idéologies ont un impact sur la représentation artistique.

Développement

Demander aux étudiants de réfléchir aux différentes façons dont le handicap a été perçu à travers l’histoire et comment les représentations visuelles sont des outils influents dans la construction des mentalités et des opinions de la société. Si les étudiants sont intéressés par d’autres projets liés aux arts et au handicap, vous pouvez leur suggérer http://disartfestival.org/, une ressource en ligne

Activité 2 – Art-thérapie

Objectifs

Découvrir comment l’art peut également avoir des fonctions thérapeutiques et des effets positifs à court et à long terme.

Matériel

  • Accès à un ordinateur avec une connexion internet
  • Matériel de coloriage
  • Feuilles

Phase préparatoire pour les professionnels de l’éducation/médiateurs

Le terme art-thérapie désigne un ensemble de techniques et de traitements thérapeutiques qui utilisent les arts visuels (et, dans un sens plus large, également le théâtre, la musique et la danse) pour promouvoir la santé (ou favoriser la guérison) de l’individu dans les sphères émotionnelle, affective et relationnelle. Explorez les méthodes et les fonctions de l’art-thérapie.

Développement

L’art-thérapie peut prendre de nombreuses formes, mais en général, elle consiste pour les patients de créer des productions artistiques (par la peinture, la sculpture, la danse, etc.) afin d’utiliser la forme du langage non verbal pour donner plus libre cours aux instincts et aux impulsions, qui ne sont pas toujours facilement verbalisés. Des études ont vérifié l’efficacité de l’art-thérapie sur l’amélioration de l’humeur et la réduction de l’anxiété et de la douleur physique. Essayez d’utiliser l’art comme un moment pour vous ressentir, puis décrivez ce que vous ressentez et comment votre production artistique le reflète.

Bonne chance !